Un appel à l’unité régionale marqué par l’émotion, la solennité… et une volonté de réconciliation
Ce dimanche 22 juin 2025, à Abuja, le soleil frappait fort sur les pelouses impeccables du centre de conférence présidentiel.
Mais dans la salle plénière du 67ᵉ sommet ordinaire de la CEDEAO, c’est un autre feu qui brûlait : celui de la tension politique. Au pupitre, le président nigérian Bola Ahmed Tinubu, sur le point de céder la présidence tournante de l’organisation, a livré un discours chargé d’histoire, de gravité et d’espoir. Devant ses pairs, il a lancé un appel solennel au Mali, au Burkina Faso et au Niger :
« Revenez. Nous avons besoin de vous. L’Afrique de l’Ouest a besoin de chacun de ses fils. »
La rupture de 2023 plane encore
Depuis leur retrait en janvier 2024 de la CEDEAO, les trois pays du Sahel réunis dans l’Alliance des États du Sahel (AES)
ont emprunté une trajectoire parallèle, invoquant la souveraineté, la dignité et la sécurité des peuples. La CEDEAO, quant à elle, a tenté des médiations, des sommets extraordinaires, des sanctions. Mais le fossé reste béant.
Dans ce contexte tendu, le discours de Tinubu à ce 67e sommet de la CEDEAO a surpris par sa tonalité d’ouverture. Pas de menaces. Pas d’ultimatums. Juste une main tendue.
Un discours à double portée
Les mots du président nigérian ont trouvé écho dans les travées. Certains chefs d’État ont hoché la tête, d’autres sont restés impassibles.
Mais le message était clair : l’unité ou le déclin.
« L’Afrique de l’Ouest ne peut se permettre une fracture durable. Chaque pays qui part affaiblit notre défense, notre économie, notre voix commune »,
a-t-il déclaré, avant de saluer les efforts du Ghana et du Bénin en matière de diplomatie silencieuse.
Transmission de témoin à la Sierra Leone
Après son discours, Tinubu a formellement transmis la présidence de la CEDEAO à Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, dans une ambiance cérémonieuse.
Une transition marquée par des applaudissements nourris… et un certain soulagement.
Julius Maada Bio, ancien militaire devenu démocrate, a promis de « poursuivre les efforts de réintégration, tout en consolidant les institutions démocratiques et économiques de la sous-région ».
Il hérite d’une communauté sous pression : sécurité instable, croissance inégale, tensions interétatiques, crise de confiance populaire.
Un sommet sous haute vigilance diplomatique
Ce 67e sommet de la CEDEAO À Abuja, les conversations de couloir ont souvent porté sur les absents. Pas de représentants officiels du Burkina Faso, du Mali ou du Niger. Pas même d’observateurs. Une absence qui souligne l’ampleur de la fracture diplomatique.
Mais plusieurs délégations ont glissé que des contacts informels se poursuivent, notamment par l’entremise du Togo et du Sénégal. Des pistes de dialogue sont encore sur la table, notamment pour la sécurité transfrontalière et la libre circulation des biens.
La CEDEAO face à elle-même
Le discours de Tinubu marque peut-être une inflexion stratégique de la CEDEAO, longtemps critiquée pour son autoritarisme institutionnel. Des voix internes appellent à une refondation plus souple, plus adaptée aux réalités diverses des États membres.
Car si les pays de l’AES ont claqué la porte, leurs critiques trouvent parfois écho ailleurs : lenteur des décisions, ingérence perçue, inefficacité en matière de sécurité.
« Il faut écouter, pas seulement gouverner. Sinon, d’autres partiront », souffle un diplomate ouest-africain en marge du sommet.
Abuja, 22 juin : un tournant discret ?
Il est peut-être trop tôt pour parler de réconciliation. Mais ce dimanche à Abuja, la CEDEAO a changé de ton. Et ce ton pourrait ouvrir un nouveau chapitre, moins conflictuel, plus diplomatique. Le président Bio, nouveau président en exercice, a promis de poursuivre cette approche d’écoute. Il mise sur les initiatives conjointes, les forums économiques et les dialogues de sécurité pour ramener ses voisins à la table.
« L’Afrique de l’Ouest doit parler d’une seule voix. Pas pour l’orgueil. Pour la survie. »
L’appel de Tinubu est lancé. Reste à savoir quelle oreille lui prêteront Bamako, Ouagadougou et Niamey. Les autorités des trois pays ont pour l’instant maintenu une ligne ferme : pas de retour en arrière, priorité à l’AES, coopération Sud-Sud renforcée. Mais sur le terrain, les populations, les commerçants, les familles transfrontalières souffrent des barrières. Les voix qui plaident pour une coexistence pacifiée, même sans adhésion formelle, se font plus nombreuses.
The post Sommet de la CEDEAO à Abuja : Tinubu tend la main aux pays de l’AES avant de céder la présidence appeared first on Journal du Faso.
