Burkina : polémique autour du nouveau Code de la famille

Code de la famille

La promulgation du nouveau Code des personnes et de la famille Burkina Faso suscite la controverse. Dre Lydia Rouamba, sociologue à l’INSS, critique une disposition qu’elle juge défavorable à l’égalité entre hommes et femmes.

 

L’Assemblée législative de transition (ALT) a adopté, le lundi 1er septembre 2025, le projet de loi portant Code des personnes et de la famille Burkina Faso. Ce nouveau texte remplace l’ancien, en vigueur depuis plus de trente ans. La loi n°012-2025/ALT est entrée en vigueur après sa promulgation, le 25 septembre 2025, par le chef de l’État, le capitaine Ibrahim Traoré.

Dans une tribune intitulée « Mariage monogamique ou polygamique : un choix désormais illusoire au Burkina Faso », Dre Lydia Rouamba, Maîtresse de recherche en sociologie à l’Institut des Sciences des Sociétés (INSS/CNRST), exprime son désaccord vis-à-vis de certaines dispositions qu’elle considère comme un « grand recul ».

Pour elle, malgré des avancées notables en faveur des femmes, l’introduction de la possibilité de passer d’un régime monogamique à un régime polygamique constitue une mesure profondément inquiétante. Elle estime qu’elle trahit l’esprit d’équité et de justice que le texte prétend promouvoir.

« Le silence protège parfois, mais il peut aussi tuer », écrit-elle, affirmant que face à certaines décisions politiques, se taire revient à approuver.

Elle rappelle que le projet initial adopté en Conseil des ministres permettait ce changement de régime matrimonial — une option qui n’existait pas auparavant. Dre Rouamba explique avoir déjà dénoncé cette mesure, estimant qu’elle représentait une régression historique et une menace pour les droits des femmes.

Lors de l’adoption du texte par l’ALT, cette disposition avait été retirée (Dossier 118, texte issu de la CAGIDH). Beaucoup s’étaient alors félicités de cette suppression. Cependant, à la surprise générale, la mesure a été réintroduite avant la promulgation finale de la loi (Décret n°2025-1232/PF portant promulgation de la loi n°012-2025/ALT du 1er septembre 2025). Pour la chercheuse, il s’agit d’un recul grave. « Sous couvert du respect des traditions, on consolide la domination masculine et on renforce la vulnérabilité des femmes », déplore-t-elle. Elle évoque le parallèle avec le Mali, où la pression sociale et religieuse a aussi conduit à une régression des droits féminins dans le code familial.

Selon elle, cette nouvelle version du Code des personnes et de la famille Burkina Faso transforme le mariage en un engagement fragile. L’homme peut, à tout moment, imposer une coépouse à sa femme, ce qui vide de sens le principe du consentement mutuel. Elle interroge : « Quelle est l’utilité d’une telle mesure, alors que la polygamie n’a jamais été interdite ? »

Pour Dre Rouamba, la parole donnée devrait avoir du poids, surtout dans une société où le consentement des femmes est souvent soumis à la pression. « Combien de femmes peuvent s’opposer à la décision d’un mari sans craindre le rejet ou la marginalisation ? », questionne-t-elle, redoutant que cette loi n’alimente les tensions, la jalousie et la rancune au sein des familles. La sociologue souligne que le pays, déjà éprouvé par le terrorisme, ne peut se permettre d’affaiblir davantage sa cohésion sociale. Elle juge préoccupant que, dans ce contexte, les droits des femmes soient relégués au second plan.

« Une société qui hiérarchise les droits humains mine ses propres fondations », prévient-elle.

Dre Rouamba conclut sa tribune en appelant à une réflexion collective : « La loi est promulguée, mais l’accepter ne signifie pas s’y résigner. En tant que chercheurs, notre mission est d’éclairer la société et d’aider à penser l’avenir avec rigueur et esprit critique. »

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